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Fin, et suite

Ce vendredi a eu lieu le 66e apéro (qui portait le numéro 65, mais il y a eu deux numéro 61). Pour de multiples raisons, ce sera le dernier que j'organise. C'est la larme à l'œil que je suis sorti du bar pour la dernière fois, après avoir refermé cette page de ma vie.

À quelques jours près, cette date marque aussi le dixième anniversaire de mes débuts libertins. Mais depuis deux ans, je m'interroge. Suis-je encore libertin ?

Bon, en fait, la réponse est évidente : "oui". Mais c'est la question qui est mal posée. Ai-je encore envie de libertinage ?

Et là, c'est plus compliqué. Clairement, j'ai toujours les mêmes rêves qu'à mes débuts. Rencontrer des femmes libérées, me sentir désiré, m'éclater à plusieurs, vivre des soirées décomplexées, m'épanouir dans une relation amoureuse et libertine à la fois.

Mais justement, j'ai toujours ces rêves et je ne suis pas plus prêt de les réaliser qu'il y a dix ans. Certes, j'ai rencontré des femmes libérées, mais pas tant que ça, et souvent en couple ou inaccessibles. Je me suis senti désiré ... par des hommes, et beaucoup moins souvent par des femmes. Je ne me suis pas éclaté à plusieurs depuis des années. La dernière fois qui me vient à l'esprit doit dater de peu après ma rupture avec Mlle Aloe, donc début 2016. Et surtout, en dix ans, j'ai tenté de construire trois relations amoureuses qui se sont achevées sur des échecs plus ou moins violents en moins d'un an.

À travers les apéros, mais aussi mes billets, les conseils donnés en privé ou mes livres, j'ai l'impression d'avoir beaucoup apporté au milieu libertin. Et qu'ai-je reçu en échange ?

Plusieurs choses. La confiance en moi. Un succès relatif auprès des femmes (relatif car je n'ai pas la naïveté de confondre attirance pour la fonction d'organisateur et pour la personne que je suis, et parce qu'il s'est rarement conclu). Des amitiés fortes et vivaces.

Mais rien de ce que je cherchais dans le libertinage. Malgré tout, je reste un homme seul, qui n'a que la place de pigeon dans le milieu libertin. Pire, quand j'étais en couple, la situation n'était guère plus enviable. J'étais uniquement celui qu'il fallait supporter pour se faire ma compagne.

Je suis fatigué de vivre dans une société où les femmes ne sont qu'objet de désir, et où celles qui s'en plaignent sont aussi les dernières à faire l'effort de désirer par elles-mêmes. (Je pense par exemple à ma dernière compagne, Mlle Marguerite, vraie poudrière de contradictions.)

Je suis fatigué aussi que ce phénomène soit encore plus saillant dans le milieu libertin. Le déséquilibre entre le désir des hommes et celui des femmes y atteint des gouffres. Il suffit d'entrer dans un club ou de s'inscrire sur un site pour le constater. Les femmes y sont courtisées à y perdre la tête, et les hommes ignorés, voire méprisés.

Mon éloignement du libertinage ne s'est pas fait en un jour. D'une certaine façon, les germes sont là depuis le départ. Sans doute n'ai-je pas le caractère pour réussir dans ce milieu. Trop sensible, pas assez pugnace, trop isolé. J'ai bien conscience d'être responsable d'une grande partie des travers que je dénonce dans le libertinage. C'est plus le constat d'une incompatibilité que d'un faille intrinsèque au libertinage.

Cela dit, j'identifie quelques-unes des pierres qui se sont accumulés dans ma besace.

Un pierre pour la soirée où, après avoir envoyé une vingtaine de couples au *** après un apéro, je n'ai pu y entrer moi-même parce qu'il était plein.

Une pierre pour les femmes qui, vers la même période, m'ont proposé de sortir avec moi après un apéro et m'ont finalement posé un lapin à minuit.

Une pierre pour l'incroyable jalousie de Mlle Marguerite, pour qui j'ai été parfaitement monogame pendant un an et qui me faisait quand même des scènes.

Une pierre pour la deuxième soirée privée que j'ai organisée, où sur les 45 inscrits potentiels, seul cinq sont effectivement venus.

Une pierre pour deux séjours catastrophiques au Cap d'Agde, où j'ai vraiment eu l'impression d'être une merde.

Une pierre pour toutes ces nuits où je me consacrais uniquement au plaisir et au bien-être de mes partenaires, tout en oubliant les miens au passage.

Une pierre pour tous mes mauvais choix, pour mon manque de volonté, pour mon désir qui s'est émoussé.

En fait, la dernière pierre, celle sur laquelle j'ai trébuché, c'était justement à l'apéro précédent. Je me suis retrouvé dans une situation qui aurait dû être excitante, en trio avec une amante et une amie. Et j'étais totalement extérieur. Je n'étais pas là pour moi. Je bandais mou.

C'était en novembre, et par réaction, par dégoût du sexe, ou plutôt par dégoût pour mon manque d'appétit pour le sexe, j'ai tout arrêté. Pas de rencontres, mais ça c'était facile, pas d'apéro non plus, pas de porno, pas de masturbation. Presque un mois de rien.

Alors, je ne vais pas vous faire l'apologie de l'abstinence, c'est de la connerie. Mais ce carême de la luxure m'a permis de me recentrer. Et il m'est apparu clairement que je n'espérais plus rien du libertinage. Que toutes ces pierres, ces rendez-vous manqués faisaient que je n'espérais même plus sortir après un apéro. Alors, à quoi bon ?

On dit que l'appétit vient en mangeant. J'ai perdu le mien à force de n'avoir rien à manger.

Les habitués de l'apéro sont mes amis, et j'aimerais les revoir. Mais pas dans un contexte libertin, qui n'a plus de sens pour moi.




Pour le futur, il est possible que les apéros survivent, grâce à de courageux repreneurs. Ils ont commencé à en parler. Mais si cela ne se fait pas, je ne leur en voudrais pas. Je suis bien placé pour savoir que, pour valorisante que soit l'organisation de ce type d'évènements, elle est aussi couteuse.

Et d'un point de vue personnel, je ne ferme aucune porte, et si des occasions se présentent, je ne dirais pas forcément non. Mais je vais consacrer mon énergie à autre chose pour l'instant.

Commentaires

  1. Bonjour, je ne sais pas si tu te souviens de moi, sept ans, cela fait un sacré bail.
    Pourtant, j'avais posté cela sur mon blog de l'époque : https://libertinagetpolitique.blogspot.com/2019/10/on-aime-bien-m-chapeau-et-les-fleurs.html

    C'est curieux en relisant ton texte ci dessus, j'ai la sérieuse impression que nous nous ressemblons encore qu'il m'est arrivé des aventures qui ont changé radicalement ma vie.

    Je chercherai s'il existe un mail sur ce site ou sur le nouveau (Apéros, si j'ai bien compris).

    Sinon, mon mail : libertinlibertaire@gmail.com

    Amicalement

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  2. C'est vraiment dommage pour les apéros ... depuis il y a eu des repreneurs ? Julie, Rédactrice pour LaFranceLibertine.com

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    1. Les apéros ont été repris par Adam Nouveaux Plaisirs. Il en a déjà organisé trois. :)

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  3. Bonjour Monsieur Chapeau, tu as écrit (sauf erreur) un texte magnifique, posté sur Doctissimo, intitulé Comment libertiner seule. En connais-tu la date de publication et me permettrais-tu de le citer dans mon site Web libertin, stp ? MerciBisou. Peter
    http://club612.free.fr/

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    Réponses
    1. Bonjour Peter !

      Si on parle bien du même, mon texte était une reprise du blog d'une libertine de mes connaissances, fermé depuis longtemps. La date de publication doit tourner autour de 2009-2010, et puisqu'il n'est pas de moi, je ne suis pas légitime pour en autoriser la diffusion. L'autrice a disparu du milieu libertin et bloguesque, et je ne suis plus en contact avec elle, hélas.

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